«Ce qu'Yves Saint Laurent était à la rive gauche, Jean-Louis Scherrer l'était à la rive droite»
- Stéphane Rolland.
Etonnant parcours que celui de Jean-Louis Scherrer. Né en 1935, le couturier parisien s'est éteint il y a une semaine. L'un des rois des années 80 était bien oublié des modeuses mais au Père Lachaise, Mireille Darc, Anne-Aymone Giscard d'Estaing, Stephane Rolland, Jean-Charles de Castelbajac, Suzy Menkes, ses proches de la première ou de la dernière heure, celles qu'il habilla, lui ont dit un dernier au-revoir.
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Isabelle Adjani en Scherrer pour Vogue UK, 1981 |
Si le travail de Scherrer est emblématique des années Fric et Chic, sa vie est représentative de la grandeur et la décadence des grands couturiers. En 1992, il fut licencié de sa propre maison de couture. Un premier cas suivi de bien d'autres : Inès de la Fressange, Chantal Thomass, John Galliano ou Jil Sander. La Maison Scherrer est alors incontournable et compte 135 personnes. Pour se dégager de la gestion et des contraintes financières, Jean-Louis Scherrer cherche des investisseurs. Mais financiers et stylistes font rarement bon ménage. La mésentente devient insupportable : les investisseurs invoquent des pertes phénoménales et le remplacent par Erik Mortensen, puis Stephane Rolland (de 1997 à 2007).
Rien ne prédisposait Jean-Louis Scherrer à devenir styliste. Il voulait être danseur mais une chute l'immobilise plusieurs mois. Sa mère lui prête alors des magazines, l'invitant à recopier les silhouettes pour tuer le temps. Jean-Louis découvre un univers de couleurs et de formes qui le fascine. En 1956, il entre chez Christian Dior. Après le grand couturier, c'est Yves Saint Laurent puis Louis Féraud qui continueront à le former.
Jean-Louis Scherrer présente sa première collection dans la cave d'un marchand de vin en 1962. Il explose dans les années 80, employant jusqu'à 160 personnes (pour vous donner un ordre d'idées, la Chambre de la Haute Couture demande aujourd'hui qu'un couturier emploie 20 salariés) et remporte un énorme succès au Japon. L'une de ses filles, Laetitia, devient sa mannequin vedette.
Il m'a été assez difficile de trouver des images de ses collections, il y en a très peu antérieures aux années Stéphane Roland, y compris sur le site officiel.
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collection automne-hiver 1981-1982 © Bertrand Rindoff Petroff/Getty Images |
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collection Bal à Venise, 1984 |
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collection 1988 |
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tailleur, 1983 © Hulton Archive/Getty Images |
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collection 1990 in Vogue UK |
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collection été 1991 |
On a de Scherrer une image un peu poussiéreuse, du genre ceintures maronnasses vendues sous licences et flacon de parfum qui vieillit sur la table de nuit de la grand-mère. Si on regarde ses collections, on voit qu'il a remarquablement suivi l'air du temps. Sa mode est pleine d'influences diverses. Considéré comme l'un des grands concurrents de Saint Laurent, il lui oppose un autre style de féminité, plus doux, plus bourgeois mais loin d'être coincé. On retrouve l'influence de Dior dans les tailles étranglées, celle de Féraud dans la gaieté. Dans les années 90, il aborde le minimalisme sans renoncer sa marque de fabrique : le travail sur la matière, les broderies et il remplace le damassé par le voile ou les tissus légers.
C'est peut-être le travail remarquable de Stéphane Rolland qui a écrasé aujourd'hui celui du maître.
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Stephane Rolland pour Scherrer, 2001 |
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Stephane Rolland pour Scherrer, 2005 |