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Channel: Le Cas Stelda - blog mode et chroniques
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Des images et des mots

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Je me demande parfois comment une fille aussi peu visuelle que moi peut avoir une telle passion pour les vêtements et il faut avouer que certaines images sont... étonnantes. Si le Vogue Paris a métamorphosé Inès, leurs confrères brésiliens n'ont pas loupé non plus Gisèle (on dirait qu'en décembre, chaque pays a tenu à mettre en avant sa mannequin star).

Commençons plutôt l'année en bonne compagnie, avec une compilations des déclarations les plus fracassantes (mais pas assez entendues à mon goût) des grands couturiers. Et ils n'ont pas mâché leurs mots ces derniers mois. (Cliquez pour accéder à la vidéo)

On en reparle demain !



Photoshop : "Nos lecteurs n'ont jamais vu l'horreur"

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La surexposition des starlettes et des mannequins brindilles, c’est le serpent de mer. On en parle, on la condamne parfois, mais il est rare, très rare même, qu’on mette le doigt sur cette fascination. Comment la maigreur est elle devenue un fantasme? 

Au-delà de l'analyse sociologique selon laquelle la minceur est devenue un signe extérieur de richesse et de CSP+ (= j’ai les moyens de manger bio, sain, et je connais les bases de la nutrition) ou psychologique (= je maîtrise ma vie puisque je maîtrise mon corps), il y a aussi une illusion collective. Tout le monde connaît les ravages de Photoshop, mais ils sont plus pernicieux qu'on ne le pense généralement.

En 2010, Leah Hardy, ancienne rédactrice mode de Cosmo en a témoigné dans le Daily Mail. Son article est effrayant, car il montre un aspect qui m'avait totalement échappé, sans doute parce que je n'ai jamais vu les ravages de l'anorexie. Plusieurs de mes amies en ont souffert mais je les ai connues après cette période douloureuse, et même si ce témoignage a 4 ans, je tenais à vous le partager. Parce que 4 ans plus tard, peu de choses ont changé, si ce n'est que cette maigreur a désormais gagné les hommes. J'ai failli chialer en regardant les derniers défilés de Valentino. Chez Armani, ça se gâte aussi. Ne parlons pas de Saint Laurent... sérieusement, on dirait des petits poulets affamés. Je ne suis pas une monomaniaque du gorille poilu mais là, j'ai envie de leur filer des tartines de Nutella et de leur faire un rôti de porc avec une bonne purée.


Vogue a avoué il y a quelques temps recourir au "grossissement" des mannequins. Et pour confirmer cette tendance des marques à vouloir du "gros" mais "comme il faut", les mannequins grandes tailles seraient elles aussi truquées, comme l'explique Les Inrocks : les mannequins utiliseraient des prothèses...

Tribune de Leah Hardy :
"(..) La « retouche inverse » consiste à utiliserdes modèlesd'une minceurcadavérique, puis leur ajouter de fausses courbesafin qu'elles semblentplus grandeset plus saines.
Ce processusdingue, mais de plus en pluscommun, a récemmentdéfrayé la chroniquelorsqueJaneDruker, l'éditeurdu magazineen santé -qui estvendu dans les magasinsd'aliments santé-admit avoir retouché une fillede couverture qu'il trouvait « vraiment mince et malade ». 
Cela semble fou, mais la vérité est que Drukern'est pas le seul. Lerédacteur en chef du magazine de santé etde remise en forme le plus venduaux États-Unis, Soi,a admis : « Nousretouchons les modèles, pour les rendre plus groset plus sains. » Et la rédactrice en chef duVogue britannique, AlexandraShulman, a discrètementavoué êtreconsternée par certains des modèles sur des shootingspourson propre magazine :«Je me suis trouvéà dire auxphotographes,"Tu ne peux pasles rendre moins mince?RobinDerrick, directeur créatif de Vogue, affirme : « J'ai passélesdix premières années dema carrièreà faireparaître les filles plus mince -etla dernière décennie à les faire paraître plus grandes. »
Récemment,j'ai discutédeJohnnieBoden, fondateur dela marque de vêtementsà succèsIl a déploré qu'il soitquasiment impossible detrouver des modèlesappropriéspour sescatalogues, principalement destinéesà des mères trentenaires. «Je déteste avoirdes modèles trèsmaigres, me dit-il. Nous essayons de réserverles modèlesqui sont en bonne santé,mais nous trouvonsconstamment quequand ils viennent au shooting quelques semaines plus tard, ils ont perdu trop de poids. C'est un vraiproblème.»

Je ne saispas siBodena été contraint derecourirà inverserla retouche, mais j'ai une confession à faireMoi aussi, j'ai participé à la tendancede retoucheinversée. Lors de mon travail au magazine Cosmopolitan, j'ai aussi dû faire faceau dilemmede savoir quoi faireavec des modèlesqui étaient, franchement, d'une minceur effrayante

"Pas étonnant que les femmes aspirent à être super-mince - elles ne voient jamais que la maigreur peut être laide." 


Ily a des gensqui pensent quela solution est simple : si un modèle à l'insuffisance pondérale sévèrese présentepour un tournage, elle devrait êtrerenvoyé à la maison. Maisc'est loin d'être si facileUnerédactrice de mode choisit souvent le modèlepour un tournagequi se passerades semaines oumême des moisplus tard. Dans l'intervalle, on aura réservé un vol en provenance de New York pour un grand photographe, on aura jonglé entre ses horaires, ceux d'un maquilleur, du coiffeur, de la styliste de modeet diversassistants, et un emplacementextrêmement coûteuxaura étéréservéEtune sélectionde robes, de minusculeséchantillonsde designer,sera disponiblepour une seule journée.
J'ai prisles appelsangoissésd'unéditeur demode quiavait mis sur piedcette productionfinementorchestrée, pour constater quele modèlequ'ils avaient choisiil y a six semainespour sescourbespulpeuseset sa peauluisante, était maintenant unchampianorexiqueavec des os saillants et de l'acnéOu elle pouvaitse montrercouverte de bleusmystérieux (de nombreux modèles ont un penchant déconcertant pour lespetits amis horribles), ouavoir une haleine alcoolisée etla gueule de bois, une quantité de mannequins vivant de café etde vodkajuste pourrester mince
Et cene sont pas seulementles modèlesqui causent des problèmes. Je me souviens d'untournage fait avecune chanteuse, membred'uncélèbre groupe de jeunes filles, quiétait clairementsous l'emprised'untrouble de l'alimentationNonseulement elle étaitsi frêleque même lesrobes depoupée, conçuespour les mannequinsdedéfilés, devaient être reprises àsataille, maisson corps était couvertd'unduvetsombre, cadeau typique de l'anorexie.
Naturellement, grâceaux merveilles de laretouche numérique,pas une trace de cesproblèmesn'est apparue surlespages de la revue.À l'époque, scrutant lesimages brutes, créant l'apparencede la chairlissesur les côtessaillantes, adoucissant l'apparence declaviculesqui sortaientcommecintres, ajoutant des courbesà unfessier plat, nous sentions que nousfaisionsla bonne choseNotre magazineétait axé sur le sexy, le glamour et les courbes. Noussavions que noslecteursseraientrepoussés parces femmes d'une maigreur grotesque, et nous avons égalementsentiqu'ils étaient de mauvaismannequinset qu'il seraitirresponsable deles montrer tels qu'ilsétaient vraiment.
Mais maintenant, je me demande. Parce que grâce à toutes nosretouches, il était encoreclair pour le lecteurque ces femmesétaient très, très minces. Mais, hé, elles avaient l'airtoujours aussi bien! Elles avaient des seinsetune belle peau. Elles avaient des chevilles fineset les cuissesminces, mais elles avaientencore des cheveux brillants et lesjoues pleines. 
Merci àla retouche, nos lecteurs-etceux deVogue, et du magazine de l'auto, et du magazinesanté-n'ont jamais vul'horreur ni les inconvénients de la maigreur famélique.Que ces filles souffrant d'insuffisance pondérale n'ont pas la chair glamour. Leurs corpssquelettiques,ternes, les cheveux cassants, les tâcheset les cernessous les yeuxont étégardés à distancepar la magie de la technologie, ne laissant que l'attraitdes membresfiliformeset des yeuxde Bambi.Une visionde la perfectionqui n'existe pas, tout simplement. Pasétonnant que les femmesaspirent àêtre super-mince quand ellesne voient jamais que la maigreurpeut être laide 
Mais pourquoilesmodèles eux-mêmesmeurent de faimpour atteindreune silhouettedont même lesmagazinesde haute couturene veulent pas ShulmandeVogueestime qu'unegrande partie duproblème est queles taillesde couturier -lesprototypesdes défilésde leurs collections-deviennent deplus en plus petites : «Les gens demandent pourquoi nous n'utilisons pas des modèles taille 40, mais jen'en trouverais pas, même si jefaisaistoutPrada, Dior, BalenciagaouChanel. ».
Pours'adapter àces vêtements, faits par des hommespour des corpsde garçon,lesagences detop modelne prennent que lesfilles les plus minces, qui frisent le mètre 80 de hautavec une taille de 60 cmet 83 de tour de hanches. C'est bien moins que les mensurations deCindyCrawford qui affichait 1m75 et un tour de taille de 66 cm (Cara Delevingne mesure 1m76, pour un 79-61-86).
En 2010, Louis Vuitton avait publié le casting de ses modèles au naturel

Un coup d'œilaux sites des agencesrévèlentclairementdesimages retouchées, les côteset les partiessaillantesont étéeffacées. Pourtant,au lieu d'embauchercertains mannequins sains et de les encouragerà manger, certainsorganismes continuentà envoyer travailler leurs filles, même quand elles ont l'air positivementmalade.
C'est un systèmefou et mauvais pournous tous.Face àla femme idéale émaciée mais qui gardeencore une peau lisseet éclatante, nous sommes de plus en plus nombreux à détester nos propres corpsnon retouchés,qui refusentobstinément des'intégrer à cet idéal impossibleCertains d'entre nousvont mourir de faim ; d'autres vontdévelopper des troublesde l'alimentation ;d'autres vont se cacher, renonçant à accepter d'être normalement sain.
Tout ce que jepeux dire aujourd'hui, c'estque jesuisdésolée pour monpetit rôle danscette folie. Il esttemps que cela cesse-pour nous tous» (Traduction home made.)


Même retouchées, lissées, "décernées", certains modèles des édito mode m'effrayent. On dirait des mantes religieuses, ou des poupées Bratz, comme sur le casting Vuitton. 

On dit que les vêtements tombent mieux sur une fille plate. Rien d’étonnant puisqu'ils sont généralement pensés pour des filles plates et lorsqu’une malheureuse d'une minceur "normale" (qui porte un 40 pour 1m75, par exemple) les enfile, elle y trouve rarement son compte. Ca poche à droite,  ça tire à gauche, ça boudine au milieu. Ne parlons pas de celles qui osent atteindre un 42. Britney Spears pèse 53 kilos pour 1m63 et se fait régulièrement traiter de gros boudin. C'est sûr que face à Daria Werbowy (1m80, 49 kilos), elle est obèse. Et à ce compte-là, on est toutes de gros boudins.

"L'écran est plat, le corps est rond", disait Elbaz : la création sur ordinateur a accéléré ce phénomène. Les vêtements sont de plus en plus pensés pour être visuels et ressortir sur une page shopping, un diaporama. Nous atteignons le concept du vêtement virtuel. Comment s'étonner ensuite que les ventes de vêtements baissent ? Pour en acheter, il faudrait d’abord qu’on rentre dedans, et nous ne sommes pas des écrans.

PS : Lorsqu'on regarde l'histoire  de la mode, deux races de créateurs se distinguent : ceux qui créent leur toile directement sur un mannequin (Alaïa, Madame Grès ou Madeleine Vionnet) et ceux qui dessinent d'abord leurs collections (Lagerfeld, Saint Laurent...).

Hommage aux dessinateurs de presse

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"Tant que je serai en vie, je dessinerai, m'a dit un caricaturiste. C'est ma façon de m'exprimer, comme parler ou jouer de la musique." C'était un très vieux monsieur à la retraite mais qui dessinait toujours, pour le plaisir, parce que ça fait partie de lui. 
La terrible attaque contre Charlie Hebdo m'a touchée, comme tous les Français. J'ai participé au rassemblement spontané qui s'est tenu à Tours. J'ai eu la chance d'échanger avec plusieurs dessinateurs il y a quelques mois : mon mémoire portait sur l'avenir du dessin de presse. Avenir assez morose, sa place se réduit comme peau de chagrin dans les journaux.

Dernier dessin de Cabu dans Le Canard Enchaîné, 7 janvier 2015

J'ai découvert le dessin de presse dans des BD. J'avais 10 ans, le nom de l'auteur m'échappe, mais c'était de l'humour très très noir et les gags m'ont frappé. Et un peu fait flipper. Deuxième rencontre à 14 ans, en feuilletant de vieux magazines. Les dessins titanesques de Sempé m'ont fascinée. Comment c'était possible d'avoir une telle finesse, un tel esprit, un dessin aussi précis, d'être si poétique et si drôle à la fois ? 

Ensuite, j'ai ri comme une bossue devant Faizant, j'ai adoré les petites dames de Keyraz, j'ai adoré Na! , je me suis régalé devant Wolinski, j'ai détesté Charb, j'ai acheté Le Canard juste pour les dessins que je savourais comme des bonbons. Mais toujours, le mystère des dessins de presse m'a trotté en tête, jusqu'à mon année en école de journalisme. 

Cette enquête m'a permis de découvrir leur métier. J'ai discuté avec des artistes extrêmement cultivés, d'une finesse et d'une ouverture d'esprit peu commune. Des fous d'art et d'information. Des hommes de 30 à 85 ans, de droite, de gauche, parfois militants, parfois résolument apolitiques, mais toujours passionnés, honnêtes avec ce qu'ils veulent montrer aux lecteurs. 

Si le dessinateur de presse est un artiste, il est aussi journaliste : il montre l’actualité politique ou sociétale sous un autre angle. Un travail parfois polémique, toujours exigeant. Parfois payé 10 euros le dessin. Parfois gratuit. Un travail dont la profondeur est souvent incomprise et que je souhaite saluer.

Cabu - photo : AFP/ Joel Saget

Ces équilibristes de l’actualité sont une centaine en France. Et ils défendent le dessin éditorial comme un traitement journalistique à part entière. Le dessinateur n’est pas un artiste échevelé qui suçote son crayon en levant les yeux au ciel entre deux fulgurances inspirées. 

Le dessinateur Antonelli (Marianne, Le Monde, Le Point...) pointe une certaine méconnaissance de leur métier jusque dans les journaux : « Des rédacteurs me proposaient parfois des idées. Je les dessinais pour leur montrer que le visuel et les mots sont deux travails très différents. Et bien souvent, ils voyaient qu'elles étaient redondantes avec leur papier. Le rôle du dessinateur, c’est de trouver une idée originale, imaginative, créative. On fait croire aux gens que les choses nous sont faciles… Mais c’est très dur. » 

Si certains s’amusent à gribouiller un croquis pendant une conférence de rédaction « pour faire rager les rédacteurs qui s’échinent sur leur papier » disait Cabu, leur travail est caché. Ils lisent (beaucoup), écoutent la radio, se documentent. Et ils dessinent quotidiennement, parfois à un rythme soutenu, souvent dans l’urgence. « En PQR, c’est du flux tendu. On travaille le soir et jusque tard dans la nuit. J’avais 1 heure ou 2 pour boucler un dessin, » se rappelle Ascensi, dessinateur pour La Charente libre et Sud Ouest. "Le dessinateur de presse est un sprinteur de l’info", précise Delestre, journaliste-dessinateur à l’Est Républicain.

La vraie difficulté du dessin de presse est invisible : repousser les limites graphiques et esthétiques en gardant une lisibilité immédiate. Le dessin de presse est structuré, c’est un travail de communication. Il faut créer et organiser des personnages, un décor, une parabole pour amener le lecteur à la compréhension du dessin, confient les dessinateurs. "C'est une pièce de théâtre que l'on imagine, monte et joue tous les soirs, montre en main," analyse Delestre. 

Plusieurs dessinateurs expliquent que leur but ultime, c'est le dessin qui n'a pas besoin de mots, le coup de crayon assez fort pour renvoyer à une réflexion en deux traits, sans aucune bulle. Un exercice extrêmement difficile, qu'ils réussissent rarement. C'est généralement ces dessins-là que l'on garde en mémoire et l'une de leur force est de traverser les frontières. Un bon dessin est polyglotte.

Pour autant, les dessinateurs ont souvent une maîtrise remarquable de la langue. Sur un sujet d'actualité, ils savent télescoper deux mots, une expression, pour mettre en exergue leur croquis. "Un vrai dessinateur, on le reconnaît au premier coup d'oeil, m'explique un dessinateur octogénaire. Il a un style, un trait personnel, un choix de traitement bien particulier. Et quand vous regardez bien, aujourd'hui, ils ne sont pas si nombreux." Charb, Cabu, Wolinsky, sont de ceux-là.

Merci à Ascensi

Le dessin a besoin d’aspérités, pour exister : « Une bonne caricature, c’est une charge, pas nécessairement extrémiste, mais qui ne supporte pas la mollesse, » estime l’historien de la politique et de l’image Christian Delporte.

Jusqu'où peut-on mener la charge ? La question a été largement évoquée ces dernières années et a longtemps divisé la profession comme les lecteurs. Un dessinateur m'a répondu : "Sur mon blog, je publie ce que je veux. Il y a d’abord la notion de convictions personnelles : est-ce qu’on souhaite vraiment en rajouter une couche sur un politique en difficulté, alors qu’on l’aime bien ? Ca, ça renvoie à l’objectivité journalistique. Il y a ensuite les convictions personnelles." 

Oui, affirme-t-il, la presse doit garder sa liberté d’expression."Mais personnellement, je ne dessinerai pas Allah pour ne pas froisser gratuitement des millions de musulmans. Si la liberté d’expression est menacée en France, je la défendrai. Je signerai pour un confrère. Mais tant qu’on l’a, faut-il en abuser ? Ca renvoie aux convictions personnelles de chacun. On fait ses propres arbitrages. Le dessin renvoie vraiment à sa propre morale. Le politiquement correct a pris du galon. Si ça  limite les blessures à l’égard des minorités, c’est positif." Mais il pointe sa dérive : " Croire que ne pas être politiquement correct, c’est de l’agression. Or l’humour joue souvent sur la pique. Il faut se rappeler que dans l’humour, la question de l’intention est centrale. Est-ce que vos intentions sont claires pour le public ? Voyez l’affaire Dieudonné. Son public l’a comparé à Desproges. Or, les intentions de Desproges étaient limpides, sa liberté était donc bien plus grande, contrairement à Dieudonné."

L’interprétation d’un dessin est diverse. Et parfois avariée. La principale difficulté est de réaliser un dessin qui sera interprété de la façon dont l’auteur l’a pensé. Afin d’être compris de la majorité des lecteurs, les auteurs recourent à des symboles communs. Avec le risque d’effets secondaires indésirables. « On est vite accusé d’exploiter les stéréotypes. Oui, pour dessiner une femme, on lui fait des seins. On sait bien que toutes les femmes n’ont pas une poitrine plantureuse. Mais ça nous permet de rendre les personnages identifiables au premier coup d’œil » explique Aurel. Travaillant pour la presse depuis 2003, le jeune dessinateur sent une crise de l’humour. 

Pour Na !, dessinateur depuis 20 ans, la susceptibilité de chaque groupe social s’est développé. « Un rédacteur en chef m’avait commandé un dessin assez cru : un patron, en position fâcheuse avec sa secrétaire. Une bulle disait « tant que je sens tes dents, t’auras pas d’augmentation ». Une association féministe nous est tombé sur le râble. Mais nous ne défendions en aucun cas ce genre de pratique ! Ce n’est pas parce qu’on montre ce qui existe qu’on le cautionne. »

 « Le manque de temps et de moyens nous pousse aussi à passer par les stéréotypes, précise Monsieur Kak, dessinateur depuis 18 ans pour le Film Français. Techniquement, si on vous demande un dessin en noir et blanc et que vous devez représenter une personne noire, il faut énormément de travail pour réussir sa profondeur de couleur et ne pas tomber dans une caricature échappée de Tintin au Congo. Le travail, ça demande du temps. » Et les rédactions leur en laissent de moins en moins, car le temps, c'est de l'argent.

Cette subjectivité voulue, cet humour, offrent aux lecteurs une prise de recul bénéfique. En analysant et valorisant les informations, le dessinateur apporte un autre regard, percutant et synthétique, sur l’actualité. Tous les dessinateurs interrogés le revendiquent : le dessin permet d’aborder des sujets graves sans être frontal. Et pour le sociologue des médias Jean-Marie Charon, le dessin est presque plus honnête qu’une photo : « Il n’y a pas de doute que c’est un point de vue, clairement assumé. »

Ce point de vue assumé dérange et s’il est peu goûté par les ligues de vertus et les chefs d’Etat, le dessin de presse énerve aussi dans les rédactions. Cardon entendit un jour, dans les couloirs du Canard Enchaîné : « Cardon ? Il ne fait pas vendre. »

Vendre… le maître-mot est lâché. Si les fans du dessin conservent religieusement les Unes du New Yorker ou le numéro spécial du Monde consacré aux 40 ans de Plantu, tous les lecteurs ne manifestent pas la même piété. « Le directeur artistique de Libération a avoué, un peu désolé, que lorsque Willhem dessine la Une, les ventes baissent » se souvient Guillaume Doizy, spécialiste de la caricature. Alors les dessins disparaîssent, peu à peu, remplacés par des photos. Elle est bien loin, l’époque où le patron de presse Marcel Dassault se réjouissait de publier Jacques Faizant, Kiraz, Coq et Vigno dans Le Figaro et Jours de France. Son fils Serge, moins esthète, n’a toujours pas remplacé Faizant dans les colonnes du Figaro. Antonelli note aussi un changement de mentalité chez les directeurs artistiques : « Ils sont moins exigeants. Il y a un manque de profondeur, de culture de l'information. »

A L'Est Républicain, Delestre suit les conférences de rédaction s’il le souhaite, mais tous n’ont pas cette chance : même au Canard Enchaîné, les dessinateurs n’y sont pas conviés« Nous sommes un peu la dernière roue du carrosse. Même si je fais partie du corpus journalistique des médias pour lesquels je travaille, je suis rattaché à la direction artistique. Et c’est très symbolique, » rapporte Aurel, dessinateur pour Le Monde et Libération. 
Auteur du site Le Dessin de la Semaine et dessinateur invité du figaro.fr, Olivier Ménégol a eu énormément de mal à faire passer de temps en temps un dessin au lieu d’une reprise de dépêche AFP. « Un dessin peut être fédérateur et faire réfléchir, ou être une pause souriante dans une actualité de plus en plus sordide. Les journalistes ont du mal à lâcher ce fil de morts, d’actu frénétique. Ils me disaient : « Il a 24 heures, ton dessin, c’est foutu. » Si on ne peut plus rire d’un sujet au-delà d’une journée, c’est triste



Merci à Ascensi

Coincé entre la crispation sociale grandissante et la course au profit des groupes de presse, le dessinateur est peu à peu poussé hors des colonnes des journaux. On réduit son dessin (dans Le Monde), on ne le remplace pas lorsqu’il disparaît (dans Le Figaro), on lui demande de ne pas caricaturer de people par crainte des procès (dans L’Echo des Savanes), on lui demande de travailler bénévolement (là, les noms vous surprendraient...).

La Toile apparaît comme leur dernier espace de liberté. La quasi totalité des dessinateurs ont un site personnel. Dans ce book mâtiné de journal intime, ils présentent leurs travaux publiés. Mais aussi « le dessin auquel vous avez échappé », ces oeuvres qui ne passeraient pas le filtre de la ligne éditoriale. Comme les rédacteurs, les dessinateurs acceptent de suivre la ligne du journal qui les emploie et adaptent leurs dessins au lectorat visé. Mais qu’ils dessinent dans des médias classés à gauche, à droite, voire aux extrémités de l’échiquier politique, les dessinateurs interrogés partagent une charte tacite : dessiner en respectant leurs convictions propres mais dessiner ce qu’ils veulent, comme ils veulent. Quel que soit le journal qui les embauche. 

Jeu de mot, choc visuel, le dessin semblait avoir tous les atouts pour profiter de la viralité des réseaux sociaux.  Mais le dessin, comme tout, subit les effets de mode, l’humour a changé de forme. L’image mobile a remplacé l’image fixe et s’impose partout. Christian Delporte, historien de l’image, est très clair : «  Le dessin de presse pour le jeune internaute, c’est comme un film muet en noir et blanc.» Etrange et pas drôle. Et il y a de moins en moins de dessins dans les journaux.

Pour Antonelli, la recrudescence d’expositions consacrées au dessin de presse dans les muséesest le signe de sa mort imminente. On peut y voir le contraire : la reconnaissance d’un art longtemps minoré. Qu'il revienne enfin en grâce pour ce qu’il a de précieux : son engagement, son intelligence, son énergie, son aptitude à illustrer l’air du temps et les folies  humaines.

Dessin : David Pope

Avancer

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J'ai passé une semaine dans un état second. Déjà, en temps ordinaire, je suis du genre à me poser des questions. Là, j'étais prête à m'inscrire en fac de philo. Une centaine de réflexions ont tourné dans ma tête pendant des jours (et des bouts de nuit). Je les ai écrites, ça faisais un long serpent bizarre qui zigzaguait. Je ne savais pas quoi en faire, j'ai failli le poster mais non, parfois, c'est bien de prolonger un peu la minute de silence, mercredi, c'était un décès commun, on a tous perdu quelque chose. Pour certains, c'était des frères, des pères, des soeurs, des filles, des collègues, des voisins. Pour d'autres, c'était Charlie Hebdo,  une vision de la France, l'idée qu'ils se font de la liberté, leur foi, leur confiance ou leurs rêves de jeunesse. Laissons chacun faire son deuil à sa manière. 

Et puis, il y a un moment où on a épuisé le stock de questions, l'instant où tu réalises que tu ne pourras pas apporter la réponse. Il y a le vide. Un moment où il faut bien revenir. Relancer les gens qui ne répondent pas aux demandes d'interviews, rendre les articles commandés, faire le ménage. 

J'ai cru que je ne pourrai plus jamais rire. J'ai vu un dessin, deux dessins, faits par des dessinateurs que je connais. Ils osaient rire. J'ai pensé que oui, l'humour était une bonne façon de se battre, et surtout l'auto-dérision. La semaine est passé, j'ai arrêté de chialer. Pas toute seule, hein, j'ai suivi le conseil d'une amie qui m'a dit "J'ai décidé de ne plus voir le mal".
Fastoche, en tout cas, plus à mon niveau que de changer la politique internationale/pénale/diplomatique/médiatique/... et j'en passe, alors on va commencer par là. Après tout, ce blog, je l'avais ouvert pour (m')offrir un peu de bonne humeur. Ca ne veut pas dire qu'on se transforme en autruche mais que le principe d'optimisme est plus que jamais d'actualité. 
Et franchement, le bilan des trois derniers jours est positif : 

  1. J'ai profité de l'occasion pour offrir une leçon de #VivreEnsemble appliqué à Lutin n° 2 et Lutin n° 3. C'a pas mal fonctionné, il n'y a eu que 18 bleus et zéro cheveux arrachés ces derniers jours.
  2. J'ai mis la kiosquière dans ma poche en lui offrant un café ce matin (et sans lui demander de me réserver de Charlie Hebdo).  
  3. J'ai eu un silence royal dans mes boîtes. Genre 5 mails par jour contre 175 habituellement. La vie sans communiqués de presse, c'est beau. Je ne sais pas si toutes les attachées de presse de France étaient aussi tétanisées que moi, ou si elles ont eu le bon sens d'éviter le SAVE THE DATE FOR OUR BEAUTIFUL PARTY !!! pendant 5 jours mais le résultat est là, une minute de silence qui dure des jours, ça fait du bien. 
  4. J'ai compris pourquoi je n'avais pas de page Facebook jusqu'à l'an dernier et je me demande si je vais la garder... ou alors, il faut que je cache tout le fil d'actu (c'est possible ??). 
  5. J'ai trouvé ma résolution de l'année : tourner 7 fois ma langue dans ma bouche
  6. ... et 77 fois ma main au-dessus du clavier, pour ne pas obliger ceux qui me suivent pour mes modasseries à subir ma revue de presse politique. Et vice-versa. 
  7. La moitié de la France a oublié les soldes. C'est dommage pour les commerçants qui ont subi une baisse de chiffre d'affaire atteignant parfois 25 % mais c'est la preuve que finalement, on n'est pas encore tou(te)s nu(e)s. 
  8. Finalement, je peux sortir sans mascara. Et même couvrir une manif sans vernis à ongles.
  9. ... preuve que j'étais toujours moi, j'avais enfilé des talons de 12 cm sans me demander comment j'allais faire pour monter sur les bancs pour prendre des photos!
  10. J'ai vu le vrai visage de certains et franchement, il y a beaucoup de gens intelligents, si, si!
  11. Pour la première fois depuis les manifestations contre la guerre en Irak, j'ai vu des gens marcher ensemble et ils ne savaient même pas si le voisin avait les mêmes idées politiques. On partage plus de valeurs qu'on ne croit, en tout cas l'essentiel. Vous ne me croyez pas ? Si, je vous jure, c'est l'essentiel. La preuve en images.


Photos : Stelda

Les réponses de la mode

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Ok, ok, je suis une fille qui a un vélo Duracell dans la tête, un bicyclette qui déraille parfois. C'est pour ça que j'adore la mode. Ce qu'il y a de bien dans la mode, c'est qu'on trouve facilement des réponses. Et en plus, on a le droit de changer d'avis (c'est à ça que servent les tendances). Exemples avec ma revue du jour.


Souffrir rien qu'en regardant cette photo sur le blog de Betty. 12 cm, oui, mais les doigts de pieds froissés comme des kleenex, nan. Jamais. Plutôt porter des tongs. Faut pas toujours souffrir pour être belle, n'est pas Wallis qui veut, on n'attrape pas des mouches en faisant la grimace, toussa. Bref, vous voyez.


Se demander en quelle occasion on peut porter cette chemise Alexandre Vauthier (impossible de la porter boutonnée, ça n'aurait rien à voir) : on n'arrive pas à la visualiser au bureau, pour déjeuner avec sa belle-mère, au dîner de Noël chez papa-maman, au resto avec des clients, ni à la sortie de l'école. Reste la sortie d'un défilé (on va attendre la fashion week de juin) ou la Saint Valentin mais ça serait so 1er degré.
J'achète pas.

Mais elle est ravissante.


J'achète pas non plus ce sacà plus de 700 euros. Le comble du mauvais goût, so 1er degré encore. A porter avec le jean gris qui va bien, une chemise blanche, des  escarpins pointus, les longues mèches folles et la frange qui dégouline dans les yeux. Toute ressemblance avec une personne existante serait purement fortuite. #PasDAmalgam. 

Demander la nationalité norvégienne. Ou demander au gouvernement français de mettre un peu de beauté dans notre quotidien.


Autre avantage de la mode : on vieillit plus vite. Là, on est déjà en 2016, voire 2017. Ca permet de zapper le quotidien quand il n'est pas très rose, et vite, vite, de rêver à des lendemains qui chantent. Qu'est-ce qui nous attend en 2016 ? 

J'ai fermé les yeux et regardé ma boule de cristal. Alors, je vois du noir, du gris, du rose. Oui, je sais, ça n'engage à rien. Je vois surtout un gros changement dans nos habitudes de consommation et un retour à la créativité, la sagesse et la folie, la vraie. Celle qui est unique. On en parle lundi.


Eté 2015 : ce que disent les tendances

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Le hic des tendances, c'est qu'elles sont pensées 3 ans à l'avance et il est difficile d'anticiper un évènement comme celui que nous venons de vivre. Je suis convaincue que ce 7 janvier est un séisme sociétal, même s'il fut précédé de secousses de moindre ampleur (et du coup, à peu près ignorées), un séisme qui va influer notre façon de vivre, de penser, de désirer et d'acheter. Et donc, les futures tendances. 

En revanche, les courants décryptés par les chasseurs de tendances en disent autant (et bien plus poétiquement) qu'un sondage IPSOS sur nos aspirations. 2015 voit exploser la spiritualité. C'est un courant fort depuis deux ans, visible à travers beaucoup de légèreté, des tissus éthérés, des couleurs impalpables.

Les propositions des agences mettent également en avant la nature (matières texturées, grand retour des matières naturelles), la violence, une technique omniprésente (coupes acérées). Rien de tout ça n'est antinomique, nous savons à quel point nous pouvons avoir l'esprit de contradiction. Et une fois encore, la mode est le reflet de notre société de plus en plus schizophrène. De certaines pensées aussi que le discours politique et/ou médiatique nous oblige à réfréner par peur de ne pas être politiquement correct. Par exemple, on a le droit d'avoir peur de la violence et d'aimer la nature : ce n'est pas honteux. Ce qui est appelé en langage médiatique sentiment d'insécurité et souci de développement durable, les tendances le révèlent en nous proposant depuis quelques mois des vêtements qui ressemblent à des armures (manteaux très carrés, chaussures à plateformes épaisses) ou des couleurs volées aux perroquets et aux orchidées.

En 2015, tout s'accentue donc on trouve tout et son contraire. J'avoue, je vais avoir du mal à jouer les Madame Irma, sur ce coup-là. Les palettes de couleurs proposées sont d'ailleurs moins "cohérentes", moins resserrées, que les années précédentes. On s'y perd : il y a du gris, du marron, du vert, du bleu, du rose, ... Ca va être le binz sur les portants! Mais tant mieux : en 2015, on s'habille comme on a envie. Et toc. 

Le long semble en voie de disparition, sans doute parce que ça coûte trop cher en tissu. Retour au mi-cuisse et au midi mais fin du maxi. Le patte d'eph' tente une énième percée... Je n'y crois que pour les aventurières. Sauf si les fabricants retirent brutalement tous les slips, jeans droit et autres mummy jeans, le patte d'eph me semble difficile à vendre à toutes les femmes de 16 à 60 ans. Idem pour le pantalon à pont.

C'est la fin des fleurettes et imprimés à petits motifs, je vois plutôt des aplats de couleurs, des rayures et des bandes. Savoir si ça vous plaira, ça, c'est autre chose. Personnellement, je déteste : trop seventies pour moi, ça me rappelle le papier peint à grandes rosaces marrons qui était dans la salle à manger de mes parents quand j'étais petite (ce papier est sans doute à l'origine de ma phobie des vêtements marrons). 

Côté chaussures, on est aussi dans le tout ou rien : les sandales plates ont une semelle de l'épaisseur d'une crêpe, les sandales à talons ont de gros talons façon seventies. Les pulls aussi : ils sont énormes et ressemblent à des cocons, ou très près du corps, comme des secondes peaux et deux pièces qui étaient devenues introuvables reviennent : le tee-shirt tunisien et le twin set. Une nouvelle qui réjouira les petites poitrines! La maille a de plus en plus de succès et c'est tant mieux : enfin une matière qui s'adapte à nos morphologies! 

Les cuirs sont de plus en plus travaillés : colorés, tressés, fluo, floqué, peints... j'avoue que c'est bonheur dans mon petit coeur, je suis une admiratrice de cette matière longtemps cantonnée au noir et au camel.

Source : Première Vision, été 2015

Le denim a encore de beaux jours jusqu'à l'hiver prochain. On passera ensuite à des couleurs plus profondes et plus excentriques (pourpre, bleu nuit, violet,...) ou plus crayeuses. 

Je termine avec le symbole de cette nouvelle ère du "Je fais ce que je veux" : le it-bag est bien enterré. Non seulement LE it-bag (LE modèle de telle maison) mais le style de sac. On trouve du cabas, du sac à main dadame, de la minaudière, de la besace, de la pochette (même si elle se raréfie). Ces satanés stylistes ont enfin compris qu'un sac, c'était notre totem et que pour nous, l'essentiel, c'était de trouver celui qui correspond à notre mode de vie. Les filles, on a gagné!!!

Le bijou ? Là aussi, plus de tendances... le bijou minimaliste a fait un retour remarqué et c'est l'occasion de garder ceux qu'on aime vraiment : son alliance, un bracelet grigri, une médaille de baptême, une chaîne offerte par une amie, des bagues empilées au fil des années. Ou de s'amuser, pour un soir, à coiffer des oreilles de lapin en velours ou une couronne avec des strass. Et basta.

Pour résumer : en 2015, on fait ce qu'on veut et on se moque que ce soit à la mode ou pas. La mode, c'est vous, c'est moi qui la faisons, avec nos envies, nos souvenirs, ce qui nous correspond. 


Cramé de mode

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S'il y a bien des mails auxquels je réponds tout le temps, c'est ceux qui causent livres. Ca, c'est prioritaire. Prioritaire donc le mail de la journaliste Ira de Puiff qui m'a envoyé son dernier roman.
Ecrit à quatre mains avec Indigo, il s'appelle tout simplement Le Roman de la mode. Je l'ai lu dans la soirée.

Photo : Henry Hargreaves, série Burning Calories

Sur leur webzine, Indigo et Ira rapportent les péripéties qui ont précédé la sortie de leur ouvrage :

"Nos négociations éditoriales, qui ont duré un long moment, nous imposaient donc de :
1) remplacer la fameuse vitrine de Chanel par celle d’une autre marque, moins connue et surtout beaucoup moins influente (sur laquelle on peut cracher, vomir, voir pisser, etc)
2) enlever toute mention de John Galliano (comme s’il n’avait jamais existé)
3) trouver un autre nom pour le chien car Vuitton, c’est sacré !
4) « alléger » les scènes de sexe (la mode sans sexe… Voyez-moi ça !)
5) réduire le nombre de références et de noms de la mode peu connus par le grand public.
Grosso modo, remplacer les créateurs par les grandes enseignes avec pignon sur rue que vous connaissez tous !
Et le pompon, on nous a proposé que l’un d’entre nous co-signe « Le Roman de la Mode » avec « la tête d’affiche » de l’éditeur en question en envoyant paitre son véritable co-auteur. C’était la meilleure."
Sidérant. Ira et Indigo ont donc choisi l'auto-publication sous forme d'e-book. L'indépendance (et les ours blancs) est préservée, voilà. Rien que ça, ça m'a donné envie d'en parler. Le Roman de la mode montre l'envers du décor. Là où Le Défilé des vanités nous emmenait sur les pas des journalistes, Le Roman de la mode nous emmène dans la tête d'un styliste surdoué et malheureux.

couverture du livre Le Roman de la mode

"Born in fashion", le héros se lance dans la couture. Tombe amoureux. Se fait dépouiller de ses idées. Tombe le nez plein de coke. Et se relève. Jusqu'à quand ? Comment ? Et avec qui ?

Soyons clair : ce livre, c'est l'horreur, une descente aux enfers, il aurait pu s'appeler Le diable en rit encore. On le quitte avec la nausée, mais une nausée qui porte à la réflexion. Il y aussi des scènes très drôles et on sent que les auteurs ont observé attentivement les manies du milieu. En lisant la première page, je me suis dit : "Mince, on dirait la scène que j'ai vue il y a deux ans!" Bingo, c'était ça. 

Indigo a travaillé dans des bureaux de presse, Ira de Puiff est journaliste de mode pour plusieurs magazines russes. C'est rare, très rare, que des professionnels osent montrer la face noire de la mode. Il y a eu le salutaire Luxe & Co, le terrible Beautiful PeopleLe Diable s'habille en Prada, Le Défilé des Vanités, le jubilatoire Beauté d'enfer. Ca ne fait pas très lourd, pour une industrie qui est l'une des premières puissances mondiales et qui compte les plus grandes fortunes de France, d'Italie, d'Espagne.  Celui-ci montre une nouvelle facette. 

Jusqu'à quand accepterons-nous de cautionner cette usine de chair à pâté qu'est devenue la mode ? Avons-nous une influence sur ce système de fou ? Oui, j'en suis persuadée. Si, à certains passages du Roman de la mode, j'ai tordu le nez devant des maladresses d'écriture et quelques coquilles, c'est un ouvrage que je suis contente d'avoir lu : il m'a remis en tête les coulisses d'un monde extrêmement violent. Et dont on comprend mieux que certaines prescriptrices se détachent peu à peu. Parce que, même vue du bord de la route, la caravane n'est pas toujours belle à regarder passer.

Faut-il jeter le bébé avec l'eau du bain ? Non. Mais Le Roman de la mode nous rappelle pourquoi la mode nous parle : c'est le plus bel emblème de la schizophrénie de notre société. Pour l'illustrer, je n'ai pas trouvé mieux que ces photos d'Henry Reagraves.

Des extraits du Roman de la mode sont disponibles sur le webzine d'Ira et Indigo, Born in Fashion.

Le livre est en vente sur Amazon.

Photo : Henry Hargreaves, série Burning Calories

Galliano, saison 2

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On l'attendait au tournant, il était là. Le 12 janvier, à Londres, la Maison Margiela a présenté la première collection dessinée par John Galliano. Ce qui était l'évènement de l'année et aurait probablement eu droit à la Une du Monde en d'autres circonstances est passé discrètement entre deux dépêches "urgent" et trois tribunes de réflexion sur la liberté d'expression.

Ce qui m'a le plus marquée ? Le masque de la dernière mannequin. Comme un signe que le couturier revient d'entre les morts, que la mode est périssable, peut-être mourante. 

Si le résultat n'est pas éblouissant, dans ces 24 silhouettes, John Galliano a su couler ses manies dans l'esprit Margiela. 

  • La touche Galliano : une allure baroque, les chapeaux, le maquillage, les coupes féminines et rétro.

  • Le côté Margiela : le masque, des accessoires étranges, des vêtements déstructurés, un mélange de tissus riches (velours, satin) et pauvre (jean, PVC, silicone).

Je trouve cette collection Margiela moins réussie que les deux précédentes mais elle montre l'intelligence et le savoir-faire de Galliano qui ne donne pas tout ce qu'il a dans le ventre à la première représentation. 

En regardant les silhouettes, on voit aussi que la Maison Margiela s'éloigne de plus en plus de l'esprit de départ de son créateur, mais aujourd'hui, son univers rappelle celui de Galliano à l'époque Dior : les accessoires un peu étrange, la mise en avant des tissus. En retrouvant du noir, de la résille, en saluant rapidement, vêtu de la blouse blanche emblématique de Margiela, j'ai l'impression que John retrouve ses débuts. Ca ne peut que lui faire du bien.










Source photos : Style.com


Sweatshop : on a noyé notre empathie

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Le choc des modes de vie, c’est dans « Sweatshop » : quand trois étudiants norvégiens rencontrent ceux qui fabriquent leurs vêtements.

Capture écran de Sweatshop

Si vous lisez les sites de La Tribune, Madame Figaro, Gala, Le Monde, Au Féminin, Le Parisien, 20 minutes, Les Inrocks, Consoglobe, ELLE ou L'Express, vous n'avez pas pu y échapper. Diffusé par le journal norvégien Aftenposen, « Sweatshop, deadly fashion » a eu autant d'impact que les photos des ruines du Rana Plazza effondré. En mode immersion, un réalisateur a filmé 3 jeunes Norvégiens qui prennent la place de ceux qui cousent leurs fringues, vous savez, ces montagnes de tee-shirts à 4,95 € qu'on trouve chez H&M, de vestes à 49,99 € étiquetées Mango ou même Guess et Ralph Lauren (mais le prix n'est plus le même. Sauf pour les ouvriers). Pendant quelques jours, nos étudiants fans de shopping ont partagé la vie des ouvriers d’une usine textile au Cambodge. Ils ont donc dormi par terre, mangé du poisson (pas très frais) et cousu des kilomètres de tissu dans une usine de Phnom Penh. Le tout pour une poignée de dollars par jour. 

La démarche peut sembler racoleuse, plus proche de la télé-réalité que du documentaire. Mais elle est utile, à entendre les réflexions des trois jeunes cobayes. A l’écran, Frida avoue n’avoir « jamais imaginé que ces choses-là puissent être réelles » et quand elle demande à une ouvrière si elle est heureuse, elle est surprise de sa réponse négative : « Je pensais qu'elle dirait oui, car les gens ici n'ont pas d'autres alternatives, ils n'ont pas vu les maisons en Norvège. » C’est bien connu, tout le monde rêve de travailler 360 jours par an, de dormir par terre et de se nourrir de chou. Anniken, elle, a une révélation : « Lorsqu’on commence à parler à une personne (les ouvriers) on se rend compte qu’elle a la même valeur que nous ». La Déclaration universelle des droits de l'homme existe peut-être mais elle n'a pas dû être lue par tous.

J'ai beau connaître la sauce des documentaires et savoir qu'un bon montage peut faire dire tout et son contraire au malheureux "personnage" (oui, c'est le nom que les journalistes donnent aux personnes filmées...), ces réflexions me laissent un sacré sentiment de malaise. Notre société carbure à l’émotion mais l’empathie semble en voie de disparition. Faut-il donc le vivre pour le croire ? C'est toute la question posée par la série. Et elle peut surtout s'étendre à d'autres sujets de société et nous faire réfléchir à notre rapport aux autres, dans ce monde qui est devenu grand comme un mouchoir de poche mais qui, parfois, reste limité à notre rue.

Ce documentaire, comme beaucoup d'autres, joue sur la légitimité. Cette fameuse légitimité que l'on trouve partout aujourd'hui, que l'on exige de chacun d'entre nous pour nous donner la parole : il faut avoir été battue, violée ou licenciée enceinte pour parler des violences faites aux femmes, être juive, musulmane ou noire pour s'exprimer sur l'antisémitisme, le racisme, la laïcité, avoir subi un effet secondaire médicamenteux pour parler des abus du lobby pharmaceutique... et la liste est longue. On peut aussi avoir écouté et vu ceux qui souffrent. Ca s'appelle l'humanité.

Je ne connais pas tout de la vie de mes amies, je doute malgré tout que beaucoup d'entre elles aient déjà travaillé dans une usine textile 8 à 12 heures par jour, pour 130 dollars par mois. Ca n'a empêchées certaines d'entre elles de signer les pétitions interpellant les grandes marques et/ou de changer leurs habitudes d'achats.

Pas besoin d'aller au Cambodge pour imaginer, quand je me promène dans le rayon enfant de certains magasins, que tel jean ou telle robe qui seraient trop mignons sur Lutin n°1 ou Lutin n°2, ont peut-être été teints et cousus par des gosses qui ont l'âge des miens... 

Pour celles qui ne l'auraient pas encore vu et qui souhaiteraient se faire leur propre opinion, les épisodes sont visibles ici.

Paris en mode Vigipirate

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A l'heure où vous lirez ces lignes, Paris verra défiler 4000 visiteurs VIP, de Carla Bruni à Bernadette Chirac en passant par le milliardaire Bernard Arnault et une cohorte de princesses qataries. C’est la fashion week. Une semaine haute couture et «sous haute protection, prévient l'AFP, les autorités recommandent aux maisons de couture de « demander une pièce d’identité » à l’entrée des défilés, « fouiller les sacs » et « éviter les attroupements ».

Mais les organisateurs de Vigipirate ont-ils déjà vécu une fashion week ? J'en doute... On souhaite bonne chance aux personnels chargés de la sécurité pendant les défilés.
La fouille des sacs des centaines de photographes, officiels ou amateurs risque d’être assez fastidieuse. D'abord, ils ont tous des sacs assez grands pour y planquer une douzaine de kalache, ensuite, je me demande ce qui est plus indiscipliné qu'un chasseur de street style ou un paparazzi. Une starlette, peut-être ? 

Quant à interdiction de s’attrouper, à moins de placer en prison préventive tous les blogueurs, ça va être compliqué : il y a deux ans, devant Jean-Paul Gaultier, c'était pire qu'une manif. Des grappes de fans hystériques hurlaient Nabillaaaaa et guettaient Inès de la Fressange dans l'espoir de lui soutirer un selfie. Les barrières ont été renversées, les voitures obligées de s’arrêter, sauf à écraser 50 blogueuses mode et laisser sur le goudron une bouillie de sandales Birkenstock fluo et de cuir matelassé. A l’hôtel The Westin qui accueillait le défilé de Stéphane Rolland, les clients pouvaient à peine rentrer dans le hall, les limousines s’arrêtaient au milieu de la rue sur 2 files, bloquant l’accès à la place Vendôme.

Par contre, les militaires en treillis postés à l’entrée du Grand Palais inspireront peut-être Karl Lagerfeld pour le défilé Chanel : avec son sens de l’à-propos, il est capable de transformer la grande verrière en caserne de CRS et de faire rebroder toutes les robes d’un « Je Suis Charlie » en paillettes.

Bref, ça risque d'être encore plus le binz que d'habitude...


De mon côté, je serai au salon Maison et Objet. Cette fois, promis, je vous en parle. En septembre, j'ai vu des choses extraordinaires et je n'ai pas eu le temps de faire tous les articles que je voulais. Ca ne se reproduira pas! Parce que Maison et Objet, c'est encore plus fabuleux que les défilés (si, si, je vous jure).

Concours Spécial fashion week

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En attendant de vous raconter mes anecdotes sur la fashion week parisienne, j'ai une surprise.

Coffret Edition limitée Saint Valentin, 89 €

"Ma Ptite Culotte", la marque de lingerie made in France dont je vous ai parlé il y a quelques mois, a créé pour la prochaine Saint-Valentin un coffret spécial en édition limitée. On y trouve un ensemble culotte tanga et soutien-gorge, une trousse assortie et un flacon de vernis à ongle rouge exclusif "Ma P'tite Culotte".

Ma P'tite culotte m'a proposé d'en recevoir un. Honnêtement, j'avais très très envie de dire oui, je l’ai vraiment trouvé mignon mais comme j’avais déjà reçu un modèle il y a quelques mois, et les jeunes marques n'ont pas non plus un budget marketing illimité. Alors j'ai dit oui, mais pour l'une d'entre vous.

Dites-moi en commentaire quel modèle de Ma P'tite culotte vous préférez et on fera un tirage au sort pour offrir le coffret à l'heureuse gagnante.

Le concours se termine dimanche 1er février à minuit, il est ouvert à la France. Tirage au sort le 2 février.

Bonne chance à toutes !

Julien Fournié : reines du désert

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Julien Fournié a une qualité rare chez un créateur : la cohérence, qu'il sait garder malgré des collections éclectiques et fortes. Chacune est un univers, elle est toujours différente de la précédente, et pourtant, pas une silhouette n'est discordante.  Tout est fluide.  

Lorsque la première mannequin s'avance, son calme, sa prestance, impressionne. Ici, les modèles marchent doucement, sans affectation. Je regarde les chaussures avec angoisse : pourvu qu'elles ne cassent pas tout! Il y en a beaucoup, des erreurs d'accessoires, des godillots ou des talons sur-dimensionnés qui jurent avec une robe ravissante. Non, les chaussures sont parfaites : assez jolies pour qu'on les admire, assez légères pour qu'on les oublie. Sûrement parce que Julien Fournié a aussi travaillé comme styliste accessoire (pour Givenchy et Jourdan, en particulier).

Dès la troisième silhouette, on s'en doute, au cinquième passage, on en est sûr : le couturier nous présente ses reines du désert. J'ai aimé les visages frais des mannequins, leur bouche rose, leurs yeux juste étirés, les revers des manches qui se relèvent comme deux petites ailes. Pas de mise en scène, pas de superflu. On aime bien être ébloui, mais revenir à l'essentiel, le vêtement et la femme, c'est apaisant. Et puis, si le styliste fait bien son boulot, les vêtements racontent eux-même leurs histoire. On est assez grand pour imaginer le sable, le vent et les pierres chauffées au soleil. 

Formé à l'Ecole de la Chambre syndicale de la couture parisienne, Julien Fournié mêle les techniques ultra classiques de la couture à des expérimentations plus modernes (grâce au FashionLab, un incubateur mode/technologie créé par Dassault Système). Si on ne le sait pas, on ne le voit pas : ses innovations se fondent à la tradition perpétuée par les petites mains.

Vous pouvez voir le défilé complet en vidéo sur le site officiel de la maison de couture.


Deux silhouettes parfaites.  Le cuir doré secoue la maille aux motifs d'inspiration berbère.


Démonstration de l'importance de l'accessoire sur deux silhouettes basiques : les derby à semelle épaisse à gauche, et à droite, le sac, qui était à se pâmer.


Ci-dessus, on retrouve LA silhouette et des détails qui rappellent la saison précédente : l'empiècement plastron, les boutons pressions... et plus loin, d'impressionnants colliers baroques.








Le clin d'oeil final ? Les chaussures du styliste, coordonnées à celles de ses mannequins.














Julien Fournié a fondé sa maison en 2009. Depuis 2011, il est membre invité de la haute couture et défile, deux fois par an, pendant la Semaine de la Haute Couture.

Ulyana Sergeenko : le retour de la tsarine

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Pas de défilé étourdissant orchestré par Alexandre de Betak pour Ulyana Sergeenko : cette année, la créatrice russe (dont j'ai parlé ici ou ) fait profil bas avec une présentation toute simple dans un grand hôtel. 

Enfin, toute simple... quand j'ai découvert les silhouettes, j'ai failli tomber de ma chaise. 

Après un moment d'égarement dans la modernité, le "portable", Uyana est revenu à sa meilleure source d'inspiration : elle-même, c'est-à-dire des vêtements qu'elle porterait ou qu'elle rêve de porter. L'incursion dans le mass market n'est plus qu'un souvenir, cette collection Eté 2015 est un retour en fanfare aux racines : une femme à la silhouette Napoléon III, une Russie fantasmagorique, pétrie de fourrure, de coupes ciselées, de broderies multicolores. 

On aime ou pas : j'adore. Je me fiche que ce soit portable, beau ou laid, too much, vu ou pas vu, j'aime parce que c'est drôle et affirmé, coquet, gai. Pas intellectuel. C'est une couture d'enfant, dans laquelle on sent une vraie joie, une fierté naïve, une envie de partager ce qu'on aime. J'aime voir ses tsarines égarées en 2015, ces femmes-poupées qui luttent envers et contre tout dans un monde pré-apocalyptique. 

Et ce serait quand même sympa que le monde de la mode finisse par lui rendre justice, parce qu'il y a de sacrées trouvailles : les jeux de découpes sont assez fantastiques, ainsi que les deux manteaux en fourrure.























Source photos : Style.com

Des idées fraîches arrivent

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C’est toujours quand on est au fond de la piscine que l’on peut remonter.  Alors que, de l'avis unanime, la mode se grippe, j'ai vu cette semaines deux bonnes idées. 

Non, ce n'est pas chez Rick Owens qui nous a offert le pire, ou #Dickowens : un défilé de mannequins sans caleçons, vêtus d'une espèce de tunique longue judicieusement découpée pour laisser apparaître l'anatomie des modèles. Provocateur, peut-être, pas du tout sexy, sûrement.

Ce n'est pas chez Maison margiela qui a perdu son Martin et récupéré John, finalement, je crois que tout le monde s'en fout.

Ce n'est pas chez Chanel non plus, pour qui Karl continue à faire un peu n’importe quoi, avec des silhouettes disproportionnées, des chaussettes noires mi-mollet piquées au professeur Tournesol et une utilisation du rose chamallow qui me colle un diabète aigu. Mais comme c’est Karl, finalement, qui s'en soucie ? Et tout le monde se console en admirant le décor qui ressemble aux créations de Lovi.

Les bonnes idées sont nées dans deux univers opposés : celui d'une enseigne grand public et celui d'un historien de la mode. Côte grand public, la palme de l’initiative intelligente revient à Promod. Dans ce secteur hautement concurrentiel laminé par H&M, Zara, Topshop et autres Primark,  le groupe français a compris qu’il ne servait à rien de lutter sur le terrain des prix et du turn over incessant des collections. Mais s'il voulait sauver ses fesses son milliard d'euros annuel de chiffre d'affaire (en comparaison, Zara génère 16,7 milliards d'euros), Promod avait intérêt à se démarquer. Branle-bas de combat dans le groupe depuis un an, et en février, on devrait découvrir la "nouvelle identité" de Promod. Il résume son nouveau style dans une base line : "boutique française". Les nouvelles collections s'appuient sur un principe simple : des modèles intemporels déclinés chaque saison dans les imprimés ou les couleurs du moment... 

Affaire à suivre mais je pense que c'est vraiment une bonne solution. Plutôt que poursuivre une course aux prix acharnée qu'il perdrait, mieux vaut utiliser ses atouts : le "pensé en France", les boutiques à taille humaine. Mettre en avant le style frenchy peut doper sa progression à l'étranger, proposer des basiques sympa est une recette génératrice d'économies en fabrication et qui a fait ses preuves auprès des clientes françaises (voir Petit Bateau, American vintage, Aigle, etc). Par contre, pour que ça fonctionne, les matières, couleurs et détails ont intérêt à cracher! 


By the way, la nouvelle collection propose des tennis à customiser avec ses initiales et pour fêter ce lancement, les Parisiennes ont droit à un atelier calligraphie à la boutique Promod de Paris Opéra le 21 février, à partir de 14h. 

Deuxième bonne idée : dans une interview donnée au magazine M, l’historien de la mode Olivier Saillard, suggère un concept simple mais génial. "Pourquoi ne pas créer des ateliers de haute couture où tout créateur pourrait venir faire un vêtement, ou trente, sur le modèle d'un centre d'art ? Je m'étonne que les ministres successifs ne se soient pas emparés de ce savoir-faire qui est notre plus grand prestige.

Je ne comprends pas que personne n'y ait encore pensé. Ben oui, on nous saoule avec les Fablabs, c’est bien gentil, mais avant de fabriquer des tabourets Tam Tam en scoubidou ou des ordinateurs démontables comme des Legos, on pourrait nous donner la possibilité de faire des jupes. Qu’elles soient en tweed ou en plastique. Imaginez des ateliers où l'on pourrait coudre, couper, essayer, dans lesquels on rencontrerait des brodeurs / maroquiniers / fourreurs/... qui pourraient prendre de petites commandes ou travailler sur une pièce particulière... Ca me fait voir la vie en rose comme un blush de Guerlain. 

PS : dans le genre "classique toiletté chaque année", Guerlain a magnifiquement optimisé le concept.

Maison et Objet : quand le business rencontre la beauté

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En 20 ans, Maison & Objet est devenu the place to be. Quand j'y suis allé pour la première fois en 2004, c'était déjà incontournable. Dix ans plus tard, c'est carrément devenu une légende : il occupe tout le Parc des Expositions de Villepinte, soit 9 halls immenses. C'est un mélange entre un aéroport international, un show room géant, un atelier d'art et un musée contemporain.

Photo : Benoît Linero, Maison&Objet

"On l’a oublié mais, avant 1995, appréhender le panorama des offres décoration et ameublement relevait de la gageure : il fallait, deux fois par an, courir entre la porte de Versailles et Villepintes (Seine-Saint-Denis) pour écumer Pass, Moving, Tex’styles, Mic, Parallèles, Scènes d’intérieur. Des salons à dimension franco-française consacrés à la maison, aux arts de la table, aux tissus, aux cadeaux, à la cuisine… " rapporte Madame Figaro. 

Les organisateurs ont eu la bonne idée de se réunir et de créer le salon Maison & Objet. Il comptait alors 2 fois moins d'exposants mais l'idée de  regrouper tous les professionnels de la décoration était géniale. Et mille fois plus pratique! On y trouve des tissus, moquettes, parquets, carrelages et papiers peint, du mobilier, des luminaires, des bibelots, des sauna, des coussins, de fausses plantes vertes, de la vaisselle, des revêtements de terrasses, du linge de lit, des matelas sur mesure,... bref, tout ce qui meuble ou aménage votre maison à l'intérieur ou à l'extérieur, vous le trouverez à Maison & Objet. On y trouve aussi les maisons d'édition spécialisées dans la décoration ou le design, les magazines de déco grand public ou destinés aux professionnels.

Et là, c'est juste le tiers d'un hall.
Tu te dis que tu as bien fait de prévoir deux jours.

Pourquoi il faut y aller ? Parce que c'est l'endroit le plus décomplexant qui soit :


  • On peut sortir ses vieilles groles, celles dans lesquelles on est comme dans des chaussons. A M&O, comme disent les intimes, sachez que tout commence par une bonne paire de chaussures.  Ici, on croise les journalistes des titres de décoration les plus hypes de la planète : Japonaises, Italiennes, Russes, Anglaises, Brésiliennes... mais aucune ne sera en stiletto. Au contraire : tout le monde choisit sa paire la plus confortable, voire carrément avachie. C'est le secret, l'outil n°1 pour arpenter les 130000 m2 de stands.
  • On a le droit de se perdre, pour se retrouvez dans les 3200 stands, il faut un sacré sens de l'orientation (voire une boussole). Il y a beau avoir un fil rouge au sol, comme on se ballade plutôt le nez en l'air histoire de tout zieuter, vous avez de fortes chances de vous perdre. Au moins une fois. En janvier, j'ai dû me perdre 5 fois : je pars bien disciplinée, avec mon plan et ma petite liste et généralement, je lâche l'affaire au bout de 30 mètres, parce que j'ai vu un truc trop beau et je m'arrête... Je parle avec le responsable commercial, l'attaché de presse ou le designer, et quand je repars, catastrophe, je ne sais plus par où je suis arrivée. 
  • On peut pratiquer son anglais sans honte. En fait, on est même obligé : 205 nationalités étaient présentes cette année. Dans cette Tour de Babel, tout le monde baragouine mi anglais, mi italien, mi français, on se fait des sourires, on échanges des salutations, des cartes de visite et des félicitations et on a le sentiment d'être polyglotte, c'est très valorisant.
  • On découvre que l'imagination humaine va bien au-delà de nos rêves les plus fous. Le stand qui m'a le plus scotché en janvier ? Un créateur de niches pour chiens. Mais attention, pas de vulgaire niches, des niches en acier ou en écailles de  tortue, pour toutous de milliardaires ; des trucs hallucinants.  Le fondateur m'a juré avoir eu plein de contacts et je le crois sur parole : c'est marché de niche, certes (c'est le cas de le dire!) mais sûrement porteur.

  • On peut voir (et même toucher, s'assoir ou se regarder dedans...) les objets légendaires du design, discuter avec leurs créateurs ou leurs héritiers.  Et découvrir que du tissu en crin de cheval existe, qu'on fabrique encore du papier peint à la planche et que le monde fourmille de merveilles. 


    Photo : Benoît Linero, Maison&Objet

  • On constate que la création n'est pas morte. Mieux, on est bluffé par la poésie et la fantaisie de certains stands. Comme ici, cette mise en scène pleine d'humour british, ou plus bas, la marque livi qui propose de petits objets de décor en bois à assembler, ou encore cette bouteille imaginée par un artisan s'art : quand la goutte d'eau glisse le long des tiges, les deux moitiés de coeur se rapprochent.






On voit des choses venues du bout du monde, on découvre (ou redécouvre) des matières et des techniques inconnues, méconnues, oubliées... on se demande qui a un appartement assez grand pour y installer ces fameuses niches de 2 mètres de haut, ce canapé en cuir de 10 mètres de long d'une seule pièce, ce lustre en cristal de 12 mètres de circonférence et qui pèse 2 tonnes et demie, comment on nettoierait ce miroir au cadre recouvert de velours... et comment font les attachées de presse du salon pour rester aussi cordiales et souriantes au milieu de cette folie.



Photo : Benoît Linero, Maison&Objet

J'ai failli braquer le collectif de tanneurs et mégissiers qui exposaient des cuirs de toutes les couleurs et j'ai eu les larmes aux yeux devant le stand de Kyoto Connection, des créateurs japonais qui travaillent chacun selon un art ancestral. Par exemple, Crystal Rose, créé par une mère et sa fille, propose de minuscules dessins en feuilles d'or qui se posent sur des gâteaux ou flottent dans les verres... 


Kyo Karakami créé du papier peint laqué; quand je l'ai vu, j'ai juste pensé : "Oh mon Dieu, si je pouvais être riche et choisir ça pour mon salon!!!!!" 


Maison & Objet étant un salon B to B, c'est-à-dire dédié aux professionnels, c'est d'abord un lieu de business. 90% des visiteurs n'y vont pas pour rigoler mais pour trouver de nouveaux fournisseurs ou clients, rencontrer les anciens, découvrir les tendances et les objets qui se vendront le mieux demain ou séduiront de riches donneurs d'ordres. 

Mais on pourrait dire de Maison & Objet que c'est le salon B & B, business and beauty. C'est, je pense, l'un des rares salons où le business est aussi séduisant, probablement le seul salon professionnel qui fait rêver Monsieur et Madame Tout Le monde (à l'exception peut-être du salon de la lingerie), sans doute parce que, dès sa création, les organisateurs ont mis l'accent sur la mise en scène des stands. Les exposants doivent faire preuve d'originalité et de créativité sinon, ouste, dehors. Le salon est donc devenu, naturellement, un lieu d'inspiration, inspiration qui a même un espace dédié : autour d'un thème commun, 3 chasseurs de tendances imaginent chacun un espace qui tient plus de l'exposition d'art contemporain que du carnet de tendances. Rien que pour les visiter, ça vaut le coup d'aller à M&O. Pour janvier, le thème choisi était Make, décliné en Nature Made par François Bernard, Human Made par Elizabeth Leriche et Techno Made par Vincent Grégoire.

M&O est probablement le seul lieu où vous pouvez croiser dans la même matinée les acheteurs d'Amazon, le rédac' chef d'Art et Décoration, des responsables du MoMa, un milliardaire saoudien, des étudiants en design et Philippe Starck.

On quitte M&O avec les pieds en compote, l'épaule moulue par les énormes sacs replis de catalogues et d'échantillons, la tête bourrée d'inspiration. En réalité, c'est même frustrant : vous avez sous les yeux 3200 marques / créateurs / architectes / designers / éditeurs... et pourtant, à chaque fois qu'on me demande "Qu'est-ce que tu as vu de beau ?", je réponds bêtement "Je ne sais pas, plein de choses".

Spéciale dédicace à Gabee et Cécilia

Un mort : Dior.

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 Si vous avez suivi les défilés haute couture, la silhouette seventies de Dior n'a pas pu vous échapper. Je viens (3 ans après tout le monde) de regarder le dernier défilé Dior, je n'en avais vu que LA silhouette visible dans tous les magazines, maintenant, je sais pourquoi : c'est la seule montrable (oh, que je suis méchante!!). 

Je ne comprends pas cette bouillie de styles, cette soupe cheap de matières. C'est pire que chez Chanel. Les silhouettes sont relativement équilibrées mais c'est incohérent, on est noyé. En prime, on dirait qu'il a pompé Pucci. Rectification : il a pillé Pucci. 

Décryptage d’un cas d'école. 




Voici les photos qui ont beaucoup tourné. Tout ça est très joli, ces silhouettes me font irrésistiblement penser à Frida Kahlo (et aussi au travail d'un jeune couturier espagnol dont le nom m'échappe mais qui était magnifique). Le travail de plissé est charmant, les couleurs tranchées, les cuissardes colorées qui ressemblent à des pieds trempés dans la peinture... on sort de la haute couture fanfreluches et c'est bien.



Ces petits manteaux colorés... aïe, ça se gâte, nous voilà devant du seventies très premier degré, on entend un air de Courrèges, de Cardin, bref, du déjà vu, même si les applications sur le côté twistent le truc. Idem avec cette robe et sa découpe hublot. Raf commence à se faire plaisir avec des matières étranges, on craint le pire pour la suite. Et on n'a pas tort...


Les meilleures choses ont une fin, une vague de robes très Dior by Raf nous le rappelle : bustier étriqué coupé pour une enfant de 8 ans, longueur inavouable sauf filmée en contre-plongé. Raf est bien là.

  

Et en court ? C'est génial, le court : la robe de gauche réussit l'exploit de transformer une mannequin d'1 m 80 et 50 kilos en femme enceinte. Celle de droite, au contraire, lui enlève 10 centimètres de tour de taille. Allez comprendre. C'est peut-être un clin d'oeil du styliste : "Chez Dior, on a des doigts de fée et on peut vous enlever 10 kilos d'un coup de ciseaux, ou même vous en rajouter si vous préférez, on est des dingos".



Dingos, oui... il faut l'être pour enfiler cette combinaison en paillettes, qui effraierait même les gracieuses chanteuses d'ABBA. Je me demande ce qu'ils pulvérisent comme parfum d'ambiance dans le studio de Dior. Mais c'est de la bonne.

 


Comme on n'avait pas bien compris qu'on était en plein revival seventies (positivisme, tout ça) même s'il est saupoudré d'un peu de sixties, vous reprendrez bien un peu de Pucci ? Ca s'appelle un hommage. Je serai Pucci, je l'aurai quand même mauvaise, même en faisant partie de l'écurie LVMH, comme Dior.


Et pour faire bonne mesure, hop, une petite robe façon Chanel. Voilà, ça ne mange pas de pain et ce sera charmant sur tapis rouge, on voit déjà Marion C. dedans. Et on termine avec une orgie de lamé, parce que tout de même, on est chez Dior et il faut en avoir pour son argent, nan mais oh. Et oui. Mention spéciale aux chaussures qui sauvent les deux silhouettes.



Voilà. Je suis atterrée, je me permets de le dire au cas où vous n'auriez pas bien compris, pardon, je me Rafise et comme lui, je répète les gimmicks. Je ne comprends pas cette collection qui ressemble plus à une démonstration de savoir-faire qu'à une collection. Je suis perdue devant cette avalanche de matières, de couleurs, de coupes qui se télescopent et se cannibalisent les unes les autres. Toujours ce sentiment que Raf Simons n'arrive pas à choisir. Je sais bien que la haute couture est un laboratoire et une vitrine, pas destinée à être portée mais elle a aussi vocation à faire rêver et là, j'ai plutôt envie de pleurer. 

Au fait, ces jolies cuissardes chaussettes, elles avaient eu une première vie chez Pucci en 2012... et on était nombreuses à baver dessus.
Pucci, prêt-à-porter Hiver 2013 - source : style.com

Bien sûr, la mode n'invente rien. Tout le monde a déjà fait des jupes à paillettes, des bottes, des manteaux trapèze. Mais en étalant tous ces échantillons de créations décousues, voire recousues comme les silhouettes aux imprimés Pucci, on n'entend plus les histoires de Dior. De quoi parle-t-il ? Du passé ? du présent ? D'un futur qu'il n'arrive plus à inventer ? et contrairement au défilé Chanel qui ne m'a pas fait vibrer non plus, Dior ne bénéficie pas du second degré de Karl (qui fait passer bien des choses), ni de sa culture. Je ne jette pas la pierre à Raf, je crains que Dior l'étouffe et qu'il ne soit pas à sa place. Il n'a peut-être pas l'âme d'un couturier : on peut aimer la mode et la forme sans être un couturier, sans avoir cette forme de pensée très particulière qui réunit tissu, femme et architecture en un objet : le vêtement.

Non, je ne suis pas frustrée de ne pas avoir été invitée au défilé Dior. Je suis un peu triste, en fait et comme tous les pudiques, je le cache avec une bonne dose d'humour. On a un mort : Dior.

PS : Evidemment, mes critiques ne sont pas parole d'Evangile et si vous voulez lire d'autres points de vue, Lise Huret a fait un billet sur Tendances de Mode et Suzy Menkes sur Vogue.

Dédicace à Eudoxie

Une revue de presse ordinaire

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J'ai pris cette photo le 5 février, devant le Palais de l'Elysée. Il était 11 heures du matin, le Président de la République commençait sa conférence de presse. D'énormes camions régie bardés d'antennes bordaient toute l'avenue de Marigny. Rue du Faubourg Saint Honoré, une équipe télé avait la riche idée d'arrêter les passants pour un micro-trottoir. Je n'ai pas entendu la question posée à cette petite dame et son chien mais j'ai entendu la réponse lancée d'une voix gouailleuse, une voix qui contrastait avec ses chaussures mais collait très bien à sa toque carrée et sa cigarette : "Roooh, vous savez, quand on habite en face de l'Elysée, on a l'habitude.
J'ai adoré. Alors j'ai pris une photo de ces deux mondes qui se rencontrent.

A l'école de journalisme, la revue de presse était mon exercice préféré. Cette semaine est tellement folle que je ne résiste pas au plaisir d'en faire une façon Stelda. 

  • A noter dans l'actualité internationale : un concours de booty en Afrique, avec mesure du potin et classement à la clé. Il faut savoir que dans certains pays, les femmes vont jusqu'à faire des lavements de... cube Maggi en espérant arrondir leur fessier (si vous croyez que je me source au Gorafi, lisez ici).

  • L'évènement marquant (c'est le cas de le dire) ? La sortie du film 50 nuances de gris, en plein procès de DSK, le rêve de tout attaché de presse qui se respecte. Dégâts collatéraux : une augmentation remarquée de blessures par trucs vibrants et bizarres. 
  • Palme de l'angle original à Paris Match qui a interviewé un maître SM, fallait oser, surtout entre un article sur la Reine Rania de Jordanie et un autre sur les forces spéciales en Centreafrique. Accessit à ceux qui ont imaginé un film Lego pour railler cette hystérie collective du s*** à tous les étages, en librairie, en salle, au Carlton et dans les fils twitter.
  • Recentrons-nous sur la mode : Urban Outfitters eut la riche idée de sortir un nouveau modèle. Quoi de plus normal ? Mais quand le dit modèle affiche un triangle rose sur rayures grises, forcément, cela déclenche des hurlements sur les réseaux sociaux. Ce n'est pas le premier Point Godwin présumé que rencontre la fast fashion : 8 exemples de crises sont visibles ici. Je m'étais indignée aussi les deux premières fois mais face à la récurrence du truc, mais je reste perplexe devant l'origine de ces scandales : volonté de créer du bad buzz ? Inculture crasse des créatifs ? Lobotomie totale des équipes marketing ? Manque de dérision des consommateurs ? Si vous avez la réponse... 
  • Un grand merci à Pierre Bergé, co actionnaire du journal Le Monde, qui nous offre une belle définition du mot permission : "Ce n'est pas pour ça (donner les noms listés dans l'enquête SwissLeaks) que je leur ai permis d'acquérir leur indépendance. Ce sont des méthodes que je réprouve", a déclaré l'homme d'affaires sur RTL.

Au milieu de toutes ces informations capitales, le gagnant du concours des pianos de gare organisé par la SNCF est passé aux pertes : dommage,  c’est un petit garçon de 12 ans et le deuxième prix est remporté par une fillette de 10 ans. Preuve que l’opinion de Corneille est toujours d'actualité, et la prestation d'un duo de douces dingues anonyme montre bien que la poétique peut être partout :


La deuxième photo se passe de commentaires. Je voulais garder une trace  de cet homme, emmitouflé du mieux qu'il peut dans son sac de couchage, avec son livre, de cet homme qui dort par terre juste en face du coeur de la République, sous un panneau location.

C'était une semaine en France, avec Stelda. A vous les studios!

Théâtre Marigny, 5 février 2015
Photos : Stelda

Une histoire d'amour : Rose Desgranges

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1940. Une jeune fille de bonne famille monte à Paris. Rose Desgranges a 16 ans, elle doit nourrir sa mère, ruinée. Les rues sont envahies de soldats allemands, les files d'attente s'allongent devant les crèmeries et il faut parfois économiser plusieurs mois de tickets pour acheter un manteau.

Travailleuse, bien élevée, Rose parvient à se placer dans un salon de coiffure au premier étage du 70 de la rue du Faubourg Saint Honoré, juste en face de l'Elysée. A l'époque, Le Figaro Club de Paris est l'adresse de toutes les élégantes. Rose se rend vite indispensable : elle confectionne toutes sortes de postiches et d'accessoires, elle est élégante, énergique et créative. C'est elle qui imagine de petites vitrines à thèmes pour attirer les clientes. Le propriétaire du salon, Albert Meyer, tombe amoureux de cette fille au visage d'actrice de cinéma et l'épouse.

Si Rose est créative, son mari l'est aussi. Chimiste de formation, il invente des colorations végétales, des palettes de maquillage... et en 1958, il lui fait un cadeau : un parfum créé sur mesure, rien que pour elle, le mélange qui, pour lui, incarne sa femme. 

Les années ont passé, Rose et Albert sont partis, le salon a fermé. L'histoire aurait pu se terminer là mais Patricia Meyer, l’une des filles de Rose, retrouve dans une armoire le flacon de parfum de sa mère. Elle décide de poursuivre la belle histoire d'amour de ses parents en ramenant leur parfum à la vie. L'eau de parfum Rose Desgranges renaît le 1er décembre 2014.


La cour du 70 rue du Faubourg Saint Honorée s'est réveillée, la boutique a été réaménagée. Si vous y allez, vous découvrirez l'histoire de Rose et Albert sous le porche. Un air des années 1950 flotte dans la boutique. De la douceur, de jolis détails, le temps qui ne compte plus... Sur le mur de pierre, on voit les coiffures d'époque dessinées par Albert.

Contacté par les filles de Rose Desgranges, le parfumeur Benoît Lapouza a reconstitué le jus original, en tenant compte, bien sûr des matières premières qui ne sont plus les mêmes. On y sent la rose et l'iris, le patchouli est discret. C'est un parfum rétro qui possède pourtant une touche étonnamment moderne : je lui trouve un air de famille avec Coco Mademoiselle... créé en 2001 ! Un parfum qui n'est pas calibré pour toutes les femmes mais qui, je pense, peut trouver sa place chez celles qui aiment rêver, se moquent de l'époque, des modes, des normes. 




L'actrice Laura-Rose Presgurvic, petite-fille de Rose Desgranges, incarne ce parfum ressuscité "Ma grand-mère a toujours été mon modèle. Elle a participé à ce que je suis devenue aujourd’hui. Elle m’a donné le goût de l’élégance, l’envie d’être féminine, d’être différente. Sa classe me restera en mémoire toute ma vie. Le souvenir le plus émouvant ? Son odeur, son parfum ! Cette effluve, sa signature... Sa présence embaumait dès qu’elle entrait quelque part, c’était elle ! Je suis fière et tellement heureuse de faire renaître et porter son empreinte, de la partager avec d’autres femmes ! C’est un peu comme si Rose Desgranges était de nouveau tout près de moi, avec son amour, son glamour, sa générosité, sa personnalité, mystérieuse, charmeuse, débordante de vie."

Rose Desgranges est plus qu'un parfum, plus que l'histoire d'un couple : ce sont les souvenirs et l'amour qui unissent toute une famille, à travers 3 générations. Une façon de vivre et d'aimer. Voilà ce que j'ai ressenti dans cette petite boutique et en discutant avec Patricia Meyer, ce qui m'a fait aimer Rose Desgranges.

Le flacon minimaliste se rapproche au plus près du style de l’époque.

L’Eau de Parfum Rose Desgranges existe en 3 formats : 
30 ml (79 €), 50 ml (96 €) ou 100ml (169 €)

La cascade olfactive
Note de tête : Rose, Bergamote, Mandarine
Note de coeur : Ambrette, Jasmin, Iris
Note de fond : Absolu de Vanille, Musc, Patchouli, Mousse de chêne



Vous pouvez suivre Rose Desgranges ici

Photos : Rose Desgranges

Saint Valentin : finalement, c'est oui

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Il en faut pas mal pour me surprendre sur la Saint Valentin : je crois que c'est le pire marronnier commercial qui soit, même Noël, c'est plus original. Le coup des fleurs, des bougies rouges, des gâteaux en forme de coeur, ça va deux minutes. Ca me gonfle chiffonne tellement que j'ai fait une page shopping #BoycottLaSaintValentin pour un magazine, avec plein de grosses chemises de nuit en pilou et des chaussons façon Uggs dedans. Et même un masque pour dormir en forme d'yeux de chats, tout ronds et globuleux. Voilà où j'en suis.

Alors merci à Fabienne Alagama qui a réussit à réveiller mon intérêt de vieux ronchon blasé. Cette couturière de robes de mariée a eu une idée de cadeau géniale : dessiner une robe du soir (baptisée Valentine, of course) qui sera réalisée en un seul exemplaire et commandé par le Valentin qui veut pour Madame. Le Valentin appelle, Madame arrive à la boutique comme une princesse et Fabienne Alagama prend les mesures, fait une toile puis la robe. Genre Mouna Ayoub.

Avouez que ça change de la boîte de macaron ou du resto au Flunch du coin (oui, une amie a eu droit au dîner en amoureux chez Flunch et non, le monsieur n'était pas fauché, il adorait juste Flunch mais elle pas trop). Et j'ai découvert les créations de Fabienne, que je ne connaissais pas du tout. Juste ravissantes. 

Je suis réconciliée avec la Saint Valentin : l'an dernier, j'avais farfouillé pour vous dégoter un atelier parfum et des sacs sur mesure, cette fois-ci, c'est la robe du soir unique. 

Y a du bon dans tout, finalement. Même dans la Saint Valentin.






Sources photos : Fabienne Alagama

Le bouton, ce détail...

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... qui dit tout. De beaux boutons sauvent une robe à la matière passable. A l'inverse, de vilaines verrues imitant le métal assassinent une belle veste. Pourtant, cet accessoire textile est très méprisé des marques actuelles. Combien de marque "haut de gamme" se contentent d'affreuses pastilles en plastique ? Citez-moi un créateur connu qui chiade un peu ses boutons ? Gaultier est une exception. Ou il n'y en a pas, ou personne ne les montre. 

Rarement de gros plans sur les boutons dans les photographies de collections. Aucun créateur n'imagine sa collection autour des boutons. Quel gâchis... Plutôt qu'une énième série de robes dorées, de chemises "déconstruites", une pièce créée pour ses boutons, ça déchirerait. Vraiment. 

Une amie créatrice de bijoux m'avait confectionné des boutons sur-mesure pour les sacs que je fabriquais et plusieurs de mes modèles étaient imaginés uniquement autour de leurs boutons... Il y a 10 ans, une styliste marseillaise qui n'avait pas les moyens d'acheter des centaines de boutons a choisi de coudre de les dépareiller sur ses vêtements, elle a fait un malheur. La collectionneuse de haute couture Mouna Ayoub confie même : "Un modèle qui n'a pas de boutons ne m'intéresse pas!" Et elle a bien raison, les boutons sont la cerise sur la robe. Un bouton bien cousu, une boutonnière soigneusement ouverte, c'est un vêtement bien fini.

Les Arts Décoratifs exposent enfin cet objet négligé. 3000 boutons de tous les styles, soigneusement collectionnés pendant 25 ans par l'artiste Loïc Allio. Le bouton se plie à toutes les matières : raphia, cuir, navre, écaille, pierre précieuse, plastique, bakélite, fourrure, perle, émail, acier, tissus, comme le montre le diaporama présenté sur le site des Arts Décoratifs. Sur les habits d'hommes du XVIIIe siècle, les boutons étaient parfois en rubis ou en diamants. Si les artistes dessinent des imprimés, les sculpteurs du siècle dernier ont créé des boutons. 

Le bouton est un manifeste politique, un aveu, un clin d'oeil, un objet d'art, un signe social, un témoin des progrès techniques. Comme tout objet de mode, il est un marqueur de son époque. 

Déboutonner la mode, aux Arts Décoratifs. Jusqu'au 19 juillet 2015.
Un modèle "rébus" exposé

• du mardi au dimanche de 11h à 18h - dernier billet vendu à 17h30 
• le jeudi : nocturne jusqu’à 21h - dernier billet vendu à 20h30 

107 rue de Rivoli, Paris 1er.
Métro Palais Royal, Pyramides ou Tuileries.
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