La pendule, sonnant minuit, nous engage à nous rappeler quel usage nous fîmes du jour qui s'enfuit. - Charles Baudelaire
Il y a deux jours, je discutais avec Frédérique, du Fredisblog.
Elle m'a dit ces phrases terribles : "Nous vivons dans une société de nombres. Nous ne valons plus que par les nombres qui nous représentent : à combien d'exemplaires notre livre s'est vendu, combien de films nous avons produit, combien nous gagnons. Il n'y a plus de valeur autre que celle qui est chiffrable, monnayable, quantifiable. Le reste n'existe plus : il n'y a plus de valeur humaine, sentimentale, esthétique. Il n'y a plus que le nombre qui compte."
Ca m'a glacée. Mais elle est dans le vrai. Nous sommes obsédés par les nombres. Notre vie tourne autour des nombres. Chiffres de notre CB, numéro de sécu, matricules sur nos fiches de paye, solde de notre compte en banque, tour de poitrine, taille, poids, prix de ceci ou de cela, années d'études, tout est éternellement quantifié par des chiffres. On ne regarde pas si la fille grosse est belle ou en bonne santé : on regarde seulement l'étiquette dans son cou.
On ne demande pas au docteur en biologie nucléaire s'il est heureux dans son travail : on le félicite de son bac + 8.
J'apprécie beaucoup Fred. Elle a un regard très incisif, une façon de dire les choses qui vous secoue, comme si elle secouait un drap. C'est peut-être (sans doute ?) lié à son métier de photographe.
Combien tu pèses ? Combien tu mesures ? Combien tu gagnes ? Combien tu as de fans FB ? Combien tu as de followers ? Combien tu as payé ton sac ? La vie, je ne crois pas que ce soit ça. Comme dit Baudelaire, la pendule, sonnant minuit, nous engage à nous rappeler quel usage nous fîmes du jour qui s'enfuit. Et je ne veux pas laisser les nombres régir ma pensée.
Je fais un pari personnel : je tente de vivre une journée sans parler de chiffres. Qui relève le défi ?