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Les dessous des féminins

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Pourquoi les magazines féminins parlent tout le temps de régimes, ne présentent que des maigres et interviewent tout le temps les mêmes stars ?

Elodie adore les féminins, elle les épluche depuis des années. C'est même devenu l'objet de son blog sur lequel elle fait les revues de presse de ELLE, Marie-Claire, Biba et autres Glamour. Comme on peut aimer sans être aveugle, hier, elle a résumé dans un billet coup de sang  tout ce qui l'énerve dans les féminins : 

  1. Les shoppings hors de prix
  2. Les marronniers
  3. Les stars/sujets du moment : 
  4. Les rubriques et sujets trop fifilles
  5. Les mannequins trop minces

Rien de très neuf, une lectrice sur deux et les féministes s'en plaignent régulièrement. Mais alors, pourquoi ça continue ? Les journalistes seraient-elles débiles et bouchées ? Ok, parfois, c'est le cas, y a des gens nuls partout mais pas que, tout de même. Alors pourquoi ? Quelques explications.

- Les shoppings hors de prix : la faute aux annonceurs qui imposent leurs pièces sous peine de retirer leur budget publicité au magazine. C'est une réalité. Les revenus de certains magazines dépendent aujourd'hui à 80 % de la pub... Mais pas que. "Les marques offrent régulièrement des vêtements, des sacs et des chaussures", m'expliquait une rédactrice en chef. "Du coup, quand tu ne payes rien, tu perds vite contact avec la réalité." Et oui, la lectrice, elle, a très peu de chances de sa faire offrir une paire de Louboutin ou une veste Maje à chaque saison. 500 euros, "c'est pas cher, c'est l'Etat qui paye", comme disait l'autre.

Que les lectrices se rassurent : ça frustre aussi les stylistes qui se démènent pour préparer un bel édito mode et puis, paf, on leur retire une ravissante veste de créateur (inconnu mais talentueux) pour la remplacer par une horreur griffée.

Heureusement, certains magazines gardent des sélections réalistes : Marie France ou Avantages, par exemple.

- Les marronniers : ah, ces sujets vus, revus et rebattus... le régime avant de se glisser dans son bikini, la cure détox après le réveillon, les astuces pour s'organiser à la rentrée... Ils sortent par les trous de nez des lectrices mais aussi des journalistes, je vous rassure. On s'y colle parce qu'on n'a pas d'idées (c'est mal, mais des fois, ben on a le cerveau en panne), et surtout, pas le temps de trouver des idées. Ni le temps de creuser un peu, de chercher un angle différent, de trouver des personnalités intéressantes. Alors on sort le marronnier ou, plus vicieux, la journée de... la fièvre, l'acnés, le Nutella, les ampoules basse consommation.

"Mais c'est votre boulot, de chercher des idées", crient avec rage les lectrices. Elles ont raison, c'est vrai, pardon. Mais pour vous donner une idée sur la réalité du travail dans certaines rédactions, en ce moment, une de mes copines de promo fait toute seule un hebdo de 16 pages. Ben la pauvre a pas vraiment le temps de creuser le sujet. Elle aimerait bien mais le propriétaire du journal refuse de "perdre ses sous" en embauchant 2 autres journalistes. Donc elle rame comme elle peut, en essayant de ne pas se noyer et en travaillant 6 jours sur 7 jusqu'à minuit. Pour que le journal sorte, parce qu'elle a de la conscience professionnelle. 

- Les stars/sujets du moment : oui, la même actrice fait 10 couvertures le même mois. Pourquoi ? Plusieurs raisons.
1) Le manque d'idée, expliqué ci-dessus.
2) La peur de louper un truc. Assez ancrée chez certains rédac' chefs. Ainsi, un correspondant pour l'AFP, une radio locale et deux magazines nationaux me racontait : "Il m'est arrivé de proposer un sujet en exclu à ma radio, on me disait non. Je faisais une dépêche pour l'AFP et là, en la voyant sur son fil, le rédac' chef de la radio me rappelait pour que je lui fasse un sujet." Dramatique mais vrai.
3) La pression des annonceurs (again). Si vous lisez attentivement ces articles, vous remarquerez qu'elles sont à 99% égéries d'un annonceur mode ou beauté. C'est le dit annonceur qui propose gracieusement au magazine de fixer une interview avec la dame... en échange d'une citation de son produit dès le chapeau : "La belle Mélanie, resplendissante égérie des nouveaux rouges à lèvres XYZ..." Voilà, voilà.

Ca arrange tout le monde : le mag (ses pages sont remplies et il a une invitée prestigieuse qui fera sans doute grimper ses ventes), la marque (parce qu'on parle de ses produits mine de rien), la star. Heu, non, la star, ça ne l'arrange peut-être pas trop mais comme elle est sous contrat à 6 ou 7 chiffres avec XYZ, elle dit oui. La lectrice ? Quelle lectrice ? Ok, je sors.

- Les rubriques et sujets trop fifilles : si vous voulez des sujets pas filles, lisez L'Obs, Marianne, Le Figaro, bref, n'importe quoi mais pas un féminin. On lit un féminin pour lire des trucs fifilles, ne parler que de trucs de filles et ne voir la vie que du point de vue féminin. Comme Elodie, je trouve ça hyper triste et frustrant. Qui a décrété un jour : "Les filles ne s'intéressent qu'à leurs pompes /utérus/tour de taille" ? Mystère. Mais pendez-le avec une bandoulière de sac H&M. Merci.

L'une des explications est la règle de la cible : il faut parler au lecteur de ce qui le concerne. Un cadre sup', des grosses bagnoles, une jeune fille, la pose du vernis. Malheureusement, les gens ne sont pas si simplistes (Dieu merci). D'autre part, ce parti pris tend à enfermer les lecteurs (et lectrices) dans leur bulle. Le contraire du journalisme qui consiste à ouvrir des portes.

Ceci dit, il y a de l'espoir, les choses bougent un peu. Valérie Saint-Pierre fait des articles piquants et pas nunuches sur des sujets de société dans Madame Figaro. L'avant-dernier ELLE a parlé d'une étude sociologique  passionnante sur les esthéticiennes (ok, sujet de filles mais traitée avec un peu de hauteur, ça fait du bien). On est encore loin des interviews de Society ou des portraits de Libé mais on va y arriver, on va y arriver.

Et pour me faire l'avocat du diable (ma posture préférée), on peut aussi voir ça comme un rééquilibre des choses car honnêtement, quelle place accorde-t-ton à la vision des femmes et à leurs préoccupations dans les magazines classiques ? Pas grasse. Voire que dalle. Assez comique à l'époque où l'on nous vend de la diversité et la fin du genre à tous les coins de rues. Pas sûr que Le Monde parlerait des relations des femmes avec leur esthéticienne, via leur rapport au corps et leur complexe de classe. Si ? De même, qui parle de la quadruple journée d'une femme/mère de famille/épouse/employée ? Pas Libé. Si ? Pas très souvent, alors. L'idéal serait que ces frontières entre magazines "sérieux" et féminins disparaissent car je pense que les hommes gagneraient aussi à connaître un peu mieux certaines de nos préoccupations. 


- Les mannequins trop minces : mais pas que les mannequins, hélas. Toutes les invitées sont filiformes. Même les chercheuses au CNRS. A se demander si les 30 % de Français en surpoids sont une hallucination des médecins. Et oui, c'est énervant et ça nous atteint. "On est intoxiqué par les images, me disait Camille il y a quelques jours. Quand on voit une nana qui fait du 40 dans un magazine, on finit par la trouver grosse et moche! Alors qu'on en croise plein dans la rue qu'on trouve très bien. On dirait que deux mondes se côtoient : un monde réel et un monde virtuel complètement déconnecté." Mais le problème vient d'abord des créateurs, comme l'expliquait mon article sur les retouches inversées. 

Là aussi, ça va peut-être changer. Début avril, les députés ont approuvé l'amendement Veran : les photos commerciales retouchées devront porter la mention "photo retouchée". Reste à savoir si ça sera appliqué. Parce que ça toucherait 99% des pages de pubs et ça risque de plaire moyennement aux groupes de mode et de beauté et aux photographes stars qui verront leurs clichés magnifaiiiiiique rayé d'un vilain placard. Et puis, oups, on verrait que certaines marques, chantre de la beauté naturelle ou reine des rayons Plus Size, gomment soigneusement rides, duvet, pores et bourrelets comme tout le monde. Et on ne sait pas non plus de quelle taille serait cette fameuse mention. 

Un autre moyen de faire bouger les choses ? Que les rédac' chefs aient le courage de renvoyer à l'expéditeur les prototypes en taille 32. Sans que la régie publicitaire les vire.

Pour lire le billet d'humeur d'Elodie, c'est ici

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